Si l’on en croit le journaliste Jean-Raymond Tournoux, spécialiste des secrets d’État, au lendemain de l’exécution de Jean Bastien-Thiry, le 11 mars 1963, voici cinquante ans, le général de Gaulle aurait dit : « Celui-là, ils pourront en faire un héros, il le mérite ! » Vrai ou faux, ce propos donne à réfléchir.
Il n’est pas nécessaire d’approuver l’action de Jean Bastien-Thiry pour reconnaître à sa figure une hauteur qui détonne dans notre époque de médiocrité.
Ajoutons qu’il est naturel et légitime que les proches et les admirateurs de Jean Bastien-Thiry voient en lui la victime d’une injustice et d’une vindicte qui n’ont pas grandi l’homme contre qui il s’était dressé. Ce n’est pourtant pas le visage de la victime qui me semble à retenir. Après s’être levé par lucidité et volonté pure contre le puissant personnage qui, à ses yeux, avait corrompu tant de valeurs constitutives de notre patrie, Bastien-Thiry est allé jusqu’au bout de son engagement.
Il fut l’organisateur de l’attentat du Petit-Clamart, le 22 août 1962, qui avait pour but d’assassiner le général de Gaulle, président de la République, en raison de la politique ayant conduit à l’indépendance de l’Algérie, à l’expulsion brutale des Français vivant sur cette terre depuis des générations, et au massacre des harkis.
Comme l’a écrit son frère Gabriel dans un livre émouvant, « Ce qu’aucun homme de métier n’avait osé faire, il l’a tenté ». De fait, bien qu’officier, il n’était pas un homme de guerre, mais un savant et un intellectuel. Il fut pourtant l’homme d’un projet conduit envers et contre tout, le seul projet cohérent, il faut bien le dire, de la résistance française à la politique d’abandon de nos compatriotes d’Algérie. Puis, devant le tribunal qui le jugeait sur ordre, loin de chercher à esquiver, il a prononcé contre l’homme qu’il combattait, un réquisitoire implacable qui le condamnait à une mort certaine. Il était trop lucide pour ne pas en être conscient.
Seul celui qui met sa vie en jeu échappe à l’imposture fréquente du discours moral. Le discours peut mentir, l’acte ne ment pas. Et seul celui qui répond de son honneur sur sa vie est authentifié dans sa vérité. La mort de Jean Bastien-Thiry atteste qu’il existe des valeurs plus hautes que la vie elle-même. Voilà ce qui mérite d’être retenu, au-delà de toute pensée partisane.
Dominique Venner