Prix Goncourt 2011 : Alexis Jenni pour L’art français de la guerre (Gallimard, 634 p.).

2 novembre 2011 | Actualité

Prix Goncourt 2011 :  Alexis Jenni pour L’art français de la guerre (Gallimard, 634 p.).

Il y a deux mois de cela Dominique Venner mettait en avant ce singulier roman historique (voir article précédent) depuis, Alexis Jenni l’auteur a reçu le prix Goncourt pour son « Art français de la Guerre »

Sur ce roman quelque peu historique, Dominique Venner a publié une critique dans La Nouvelle Revue d’Histoire n° 57 (novembre-décembre 2011), pages livres. En voici le texte :

Sous un titre énigmatique, Alexis Jenni a écrit avec grand talent un roman ambigu qui s’immerge dans l’histoire française de notre temps. Tout commence en 1944 et se prolonge jusqu’à ce jour. L’intrigue couvre une période brûlante, celle de toutes nos guerres perdues, en attendant une sorte de guerre ethnique que le narrateur voit se profiler à l’horizon. Pour un premier roman, c’est du grand art ! L’auteur fait se croiser deux récits, celui de la vie du personnage prétexte, ancien officier des paras coloniaux, le capitaine Victorien Salagnon, un reître au cœur noble. Sa vie commence dans les maquis de 1944, se poursuit en Indochine, puis en en Algérie jusqu’à la défaite politique de 1962 et l’exode affreux des Européens abandonnés. Sur cet épisode, on a rarement écrit dans un roman des pages aussi saisissantes. L’autre récit, habilement entrecroisé, est formé des réflexions du narrateur (qui n’est pas l’auteur). Précisons qu’à la ville, Alexis Jenni est professeur de biologie, alors que le narrateur inventé par ses soins est une sorte de chômeur professionnel dans le genre « indignez-vous ! », qui passe beaucoup de temps à caresser les jambes des filles. Surviennent bien d’autres personnages, notamment un deuxième officier béret rouge, un méchant, celui-là, pour qui Victorien Salagnon a cependant toutes les indulgences. Il faut dire que l’autre l’a sauvé de la mort, en Indochine, dans des circonstances qui rappellent un peu ce qu’a vécu le commandant Faulques à Cao-Bang. Intervient ensuite une description artificielle et outrée de la Bataille d’Alger (1957), avec tortures et autres gracieusetés qui chargent la barque à l’excès. Bien que les options « antiracistes » et « antifascistes » du narrateur soient longuement développées (sur le mode romanesque bien entendu), ce curieux et foisonnant roman n’est pas manichéen. Surgit toujours en effet un contrepoint aux options véhémentes des uns et des autres. L’un des épisodes les plus intenses évoque les massacres d’Européens à Sétif et Guelma, le 8 mais 1945. Le souvenir atroce en est rapporté par un ancien médecin militaire d’origine juive, père d’une des deux femmes qui comptent dans ce roman. On en reste saisi.

 

Dominique Venner