Sous la signature de son directeur, Bernard Dumont, la revue Catholica, n° 115, printemps 2012, (p. 124-125) vient de consacrer d’intéressants commentaires à l’essai de Dominique Venner Le Choc de l’Histoire (Editions Via Romana). Ils méritent d’être reproduits. Ils montrent un sincère effort de compréhension à l’égard de l’itinéraire de Dominique Venner. Ils enregistrent son interprétation nullement fataliste du déclin européen, sa critique des dérives de l’action politique et enfin sa philosophie néostoïcienne, déjà développée dans Histoire et tradition des Européens (Le Rocher, 2ème édition, 2004). Cet article est libre de toute animosité.
Le Choc de l’Histoire, un livre présenté sous une forme d’entretiens, pour le bilan intellectuel d’un journaliste, écrivain et historien passé par les sentiers arides des djebels et la prison politique. Deux lignes s’entrecroisent : une critique de l’époque, approchée par voie d’expérience personnelle, et certains principes de vie, une philosophie construite sur le modèle d’un néo-stoïcisme antichrétien à peine masqué. Les lectures du jeune adolescent y ont eu une place déterminante : la Généalogie de la morale de Nietzsche, l’Iliade et l’Odyssée, mais aussi L’Appel de la forêt de Jack London, trois sources d’une sorte de sagesse de vie cherchant à s’ancrer dans une tradition de l’honneur et de la nature qui ferait abstraction du Christ et de la chrétienté. Admirateur assez romantique de Montherlant et de Mishima pour leur choix du suicide, D. Venner n’est pas pour autant un décadentiste. Il se définit même comme un « optimiste historique », pensant que la destruction actuelle de la société occidentale finira par susciter une réaction, l’artifice du multiculturel, de la culpabilisation et du contrôle des pensées, même profondément destructeur, ne pouvant avoir raison de la nécessité naturelle de la survie. Ce qu’il attend, c’est que se reconstitue une sorte d’élite intellectuelle et morale, un « corps mystique », au service d’un idéal que résume cette formule : « La nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon ». Le mépris non caché de D. Venner pour la politique lui fait préférer l’action culturelle et éducative, à l’instar du mouvement hindouiste RSS, « sorte de scoutisme supérieur qui aurait remplacé les bons sentiments par les arts martiaux ». Bien qu’il garde à cœur la nostalgie des corps francs chers à Ernst von Salomon, sa critique des mécanismes du système en vigueur s’éloigne, par son réalisme, de cet idéal de type esthétique. Ainsi sa description du pouvoir exercé par l’ancien gauchisme désormais au service du marché, ou encore des mécanismes destructeurs de l’américanisme. De même sa conscience de ce que « l’une des particularités du système est qu’il se nourrit de son opposition », et qu’il « a besoin de la contre-culture et de sa contestation pour nourrir l’appétit illimité du “jouir sans entraves” qui alimente le marché ». Tout cela devrait évidemment se voir beaucoup plus développé que dans le petit chapitre central (« L’histoire d’où nous venons »). La lecture de la Nouvelle revue d’histoire que dirige l’auteur permet d’apporter des éléments plus complets, entre autres sur le fonctionnement de ce que Péguy appelait le « parti intellectuel ».
B.D.
Notes
- En illustration, Marc AurГЁle.