Dossier de la Nouvelle Revue d’Histoire n° 50, septembre-octobre 2010
Le titre de notre dossier sur Vichy est explicite. Plus on s’éloigne, moins l’époque s’éclaire. Les acteurs et les témoins ont disparu, remplacés par des ignorants souvent partiaux. Pour notre part, nous avons fait appel à d’authentiques historiens afin de mieux comprendre cette époque qui continue de peser sur le présent.
À l’automne 1941, l’Armée rouge était en pleine déroute. À Londres, le général De Gaulle confie à son chef d’état-major, le futur général Billotte : « Si les Allemands l’emportent, ce seront Pétain, Laval, Déat qui auront eu raison et j’aurai nui à la France… » Cet aveu jette un éclairage inattendu sur la période la plus dramatique et la plus discutée de notre histoire.
Qu’est-ce que Vichy, la Résistance, la Collaboration ? Des mots qui recouvrent des réalités changeantes. Jusqu’à la fin de 1940, Henry Frenay, fondateur de la future Armée secrète, était encore un admirateur du maréchal Pétain et de sa politique. À l’époque, Jean Moulin était un préfet qui exécutait les instructions de Vichy. Aligné sur Staline, le parti communiste cherchait à se concilier les Allemands. Les premiers agents de la France Libre, Rémy, Fourcaud, Saint-Jacques, issus de l’AF ou de la Cagoule, trouvaient à Vichy le soutien d’anciens camarades dans leur action. À l’inverse, les premiers partisans de la Collaboration venaient tous de la gauche, et l’on rencontrait plus de socialistes à Vichy que dans la Résistance. Telles sont les réalités qu’examine notre dossier.
Dans son article introductif, François-Georges Dreyfus montre ce que fut la naissance réelle de Vichy et les intentions du maréchal Pétain, souvent opposé à Laval (p. 33). Philippe Conrad établit ensuite une chronologie détaillée, de 1940 à la Libération de 1944 (p. 37), consacrant une séquence finale au procès du maréchal Pétain (p. 41). En spécialiste du monde intellectuel, Bernard Bruneteau montre qu’avant 1941, beaucoup croyaient à une victoire définitive d’Hitler, ce qui sera ensuite oublié (p. 42). Robert Brasillach, écrivain emblématique, ne partageait pas cette illusion. Philippe d’Hugues montre les raisons complexes de son ralliement tardif à la Collaboration (p. 45). Ses mobiles étaient à l’opposé de Pierre Laval, dont Dominique Venner retrace l’itinéraire (p. 49). Le contraste est complet avec les maurrassiens, dont Olivier Dard examine les déchirements entre Vichy, Résistance et Collaboration (p. 53). L’une des surprises de l’époque, concerne le cinéma français. Philippe d’Hugues explique pourquoi il brilla de mille feux durant ces années noires (p. 57). En conclusion, Philippe Alméras s’interroge sur les changements du regard historique et sur le rôle joué par le Vichy de Robert O. Paxton (p. 60).
La Nouvelle Revue d’Histoire